Version française / A l'honneur
FIND - A l'honneur
- Présentation des recherches menées par Lilian Larribère, Professeur de droit privé au CEDIN
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Photographie de Lilian Larribère Photographie de Lilian Larribère
Mes recherches récentes peuvent être classées en trois catégories, dont aucune n’est entièrement détachée des autres.
Depuis mon travail doctoral, mon principal champ de recherche est le droit de l’arbitrage international, une forme de justice privée entre entreprises commerciales ou entre États et investisseurs. Pour recourir à cette justice privée, il est nécessaire de conclure « une convention d’arbitrage », par laquelle les parties consentent à recourir à l’arbitrage en cas de litige. C’est cette convention très spécifique qui a été l’objet principal de mon attention dans cette matière.
D’abord, elle est régie d’une manière très singulière en droit français : contrairement à tous les autres contrats (contrat de vente, contrat d’entreprise, etc.) toujours régis par la loi d’un État, la convention d’arbitrage n'est pas gouvernée par une loi étatique, à suivre la jurisprudence française. J’ai tenté de comprendre comment une telle assertion était théoriquement possible. Qu’est ce qui explique théoriquement que la convention d’arbitrage puisse ne pas être régie par la loi d’un État contrairement à tous les autres contrats ? C’est que l’arbitrage est lui-même appréhendé sur le plan théorique d’une manière très originale en droit français. J’ai essayé de montrer que la seule explication rationnelle – sans préjuger de son caractère convaincant – à une telle solution est que l’arbitrage est vu comme un ordre juridique à part, non étatique. La réglementation de la convention d’arbitrage repose sur ce que l’on peut appeler une vision pluraliste du droit, c’est-à-dire la vision selon laquelle il peut exister des ordres juridiques non rattachés à un État, mais qui sont les égaux des ordres juridiques étatiques. L’affirmation selon laquelle la convention d’arbitrage n'est pas gouvernée par la loi d’un État suppose, sur le plan théorique, d’admettre l’existence d’un ordre juridique non étatique, l’ordre juridique arbitral.
Ensuite, j’ai ensuite approfondi cette étude de la convention d’arbitrage par une approche plus conceptuelle. Grâce à cette approche, j’ai cherché à montrer que la convention d’arbitrage, contrairement à ce que l’on dit le plus souvent, ne donne pas pouvoir aux arbitres pour trancher le litige. Leur pouvoir vient d’ailleurs – de l’ordre juridique arbitral du point de vue du droit français. D’une manière générale, il me semble que l’étude des concepts employés – et négativement des concepts rejetés – peut permettre de comprendre comment est structuré un certain droit, ici le droit de l’arbitrage. Parmi les concepts employés, la jurisprudence française utilise celui de « droit d’action des parties » : la convention d’arbitrage aurait un objet spécifique (comme le contrat de vente a pour objet la vente d’un bien), celui de « configurer le droit d’action des parties ». Or, cette formule vient du droit judiciaire privé, en particulier de l’article 30 du Code de procédure civile qui utilise le concept de « droit d’action ». Ce concept a été élaboré au tournant des années 50-60 en France par des auteurs souhaitant renouveler profondément le droit judiciaire privé : ils tentaient d’affirmer que le droit judicaire privé était une matière propre, structurée autour de concepts propres, et détachée des droits dits « substantiels » (le droit civil, le droit commercial, etc.) sur lesquels un litige porte. Il y aurait un droit appelé « processuel », applicable à l’ensemble des litiges, quel que soit l’objet spécifique du litige : le droit d’action est un des concepts structurants de ce droit processuel. En le transposant au droit de l’arbitrage, il me semble que la jurisprudence française a adopté une conception « processuelle » de la convention d’arbitrage. Cette conception processuelle peut être opposée à une vision que j’ai appelé une vision obligationnelle de la convention d’arbitrage qui affirmerait que la convention d’arbitrage « crée des obligations de saisir un arbitre en cas de litige, et de ne pas saisir les juges étatiques en cas de litige ». Les deux visions s’opposent : la convention d’arbitrage configure le droit d’action dans la conception processuelle ; elle créé des obligations dans la conception obligationnelle.
Or, l’utilisation de ce type de concepts et de conceptualisations n’est jamais purement gratuite en droit : adopter une certaine conceptualisation a pour conséquence de permettre l’invention de nouvelles règles, dont la création ne serait pas permise si l’on utilisait d’autres outils conceptuels. Ainsi, en s’écartant d’une vision obligationnelle pour adopter une vision processuelle de la convention d’arbitrage, la jurisprudence française s’autorise à employer plus largement les concepts de la « science du droit processuel », tels que celui « d’accès aux tribunaux ». Ce concept, que l’adoption d’une vision obligationnelle de la convention d’arbitrage interdirait d’utiliser, pour des raisons que j’ai cherchées à exposer, a été précisément employé à diverses reprises par la Cour de cassation. Et ce concept « d’accès aux tribunaux », employé désormais grâce à l’adoption de la conception processuelle, permet de démontrer alors que, contrairement à ce qui est communément affirmé, le pouvoir de l’arbitre ne lui est pas conféré par les parties, mais par une autre source qui est, à mon avis, et du seul point de vue de l’ordre juridique français, l’existence d’un ordre juridique arbitral. Partant, l’approche conceptuelle confirme l’approche théorique : le droit français de l’arbitrage international est structuré autour d’une vision pluraliste du droit, celle qui admet l’existence d’un ordre juridique non-étatique dit l’ordre juridique arbitral.
Afin de dépasser cette approche purement conceptuelle et juridique, je suis actuellement en train de travailler sur l’histoire de cette pratique et sur la manière dont il s’est construit en France et dans quelques pays étrangers. Cette histoire pourrait nous montrer que rendre la justice n’est plus, sans nuance, un attribut régalien de l’État, dans la mesure où ce dernier favorise le développement d’une « justice privée ». J’essaie ainsi, en mobilisant des outils plus larges que ceux que j’ai déjà utilisés dans mes précédents travaux, de mettre au jour les conditions de possibilité sociales et juridiques d’une telle pratique et les conditions de possibilité de son succès : comment et à quelle occasion la création d’une telle justice privée a-t-elle pu être imaginée ? Par quels outils, cette justice privée est-elle structurée juridiquement ? Comment et pourquoi l’État se trouve-t-il à favoriser une telle pratique devenue le « mode normal de résolution des litiges internationaux » ?
Mon deuxième champ de recherche porte sur le droit international privé et le droit judiciaire international. Depuis de nombreuses années, la Commission européenne et la Cour de Justice de l’Union européenne élaborent des règles propres au contentieux judiciaire européen : règles de compétence internationale, règles sur l’accès à la justice ou encore à l’exécution des décisions de justice. Les règlements élaborés en ces matières ont largement été étudiés, mais le plus souvent un à un, sans véritablement que l’on cherche à trouver une « cohérence » entre eux, au moins sur le plan des objectifs poursuivis. Au surplus, les cours nationales se sont également attelées à créer des règles procédurales propres au contentieux judiciaire européen, qui ne sont, elles, que rarement étudiées en tant que telles. Si elles sont parfois étudiées en droit judiciaire privé, elles ne sont que rarement rattachées à leur « ascendance » européenne qui les colore probablement des objectifs propres au droit de l’Union européenne. Parce que la Cour de Justice – et sa jurisprudence novatrice, par laquelle elle cherche à dégager une forme de droit commun malgré la pulvérisation des textes – se fait très active, une synthèse me semble pouvoir être désormais tentée entre toutes ces règles. C’est pourquoi, avec un collègue de Paris 1, Étienne Nédellec, nous sommes actuellement en train de travailler à un tel projet de synthèse, qui permettrait de dégager les lignes structurantes de ce droit judiciaire européen encore en cours d’élaboration.
Plus largement, en droit international privé, je m’interroge également sur les concepts aujourd’hui mobilisés pour régir les problèmes nouveaux que notre monde contemporain suscite. Ainsi, en particulier du devoir de vigilance, sur lequel je travaille en collaboration avec Rebecca Legendre, et à un article personnel sur les liens entre l’idée historique de droit transnational et la vigilance contemporaine.
Avec ce même collègue de Paris 1, nous travaillons, enfin, au lancement d’un programme vidéo d’autobiographies de juristes universitaires. Ce programme vise à permettre à des juristes universitaires de revenir sur leur carrière et leurs travaux, dans une perspective réflexive, inscrite donc dans l’histoire et dans une époque, alors que les travaux des juristes ont tendance à ne pas être ainsi présentés. L’entretien est un moyen pour l’invité de revenir sur son parcours au sens large ainsi que sur son cheminement intellectuel. Il permet par exemple de révéler la contingence du cadre dans lequel cet invité évoluait au moment de la rédaction de telle ou telle partie de son œuvre. Cela autorise également des approfondissements qui sont généralement « hors texte », et qui viennent ainsi enrichir la réception et la compréhension de ladite œuvre. Ce programme devrait officiellement être lancé dans les prochaines semaines.
Lilian Larribère – Professeur de droit privé et de sciences criminelles (CEDIN) - Présentation des recherches menées par Thomas Pasquier, Professeur de droit privé à l'IRERP
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Présenter son travail de recherche est un exercice stimulant. Aussi, je remercie bien sincèrement la Find de me donner l’occasion de me prêter à l’exercice. Au préalable, il m’apparait nécessaire de contextualiser mon travail de recherches. Premier élément, je m’intéresse aux questions de droit social, particulièrement rapportées au droit du travail. C’est l’analyse des rapports juridico-sociaux qui se nouent à l’occasion de la relation de travail qui concentre mon attention. A ce titre, j’ai toujours privilégié le croisement des regards, en mobilisant d’autres branches du droit et d’autres savoirs. Cela tient à ma formation, empreinte de droit privé général, mais également à un parcours professionnel et à un appétit personnel. Nourri par un travail de thèse sensible aux autres sciences sociales, j’ai également emprunté le chemin d’une composante interdisciplinaire (l’IETL, Institut d’Études du Travail de Lyon) qui mêle, dans l’étude du travail, le droit, la sociologie, l’ergonomie, dans une certaine mesure l’histoire et la gestion. Fort de cette sensibilité aux autres sciences sociales, je m’efforce, comme bien d’autres, de nourrir ma pratique de recherche des idées et théories issues des SHS. Second élément, j’ai une attention à ‘politiser’ des espaces juridiques qui, souvent, sont couverts par une forme de neutralité technique. Si le droit du travail est fréquemment envisagé comme une matière « politique », depuis quelques années, il tend à se muer d’un droit protecteur du salarié en un droit protecteur de l’employeur - et de l’entreprise par extension-, à grands coups de lois dédiées à la « sécurisation » des rapports de travail. En contrepoint, je m’attache à saisir certaines ‘politiques juridiques’, qu’elles soient légales ou judiciaires, et à en dégager, non seulement les régimes, mais également les ressorts. De ce point de vue, ce sont les processus rhétoriques et les justifications axiologiques qui sous-tendent les dispositifs juridiques que je tente de mettre en lumière. Je prendrai ici simplement trois exemples récents, articulés autour de trois notions cardinales du droit : la volonté, la vérité, et l’interprétation.
Volonté et transfert des risques – La volonté n’a pas bonne presse en droit du travail. Cela tient à l’existence d’un lien juridique de subordination qui place le salarié dans une situation à nulle égale en droit privé contractuel : aussi bien au stade de la formation du contrat que de son exécution et de sa rupture, le salarié cocontractant est soumis à une puissance que l’on désigne en droit par « pouvoir de l’employeur ». Ce pouvoir se déploie à l’occasion de la formation du contrat – ce qui a justifié l’existence d’un ordre public strict (ex : le SMIC) -, mais également durant le déroulement du contrat jusqu’à sa rupture – ce qui a justifié l’émergence d’un régime de contrôle des actes de pouvoir de l’employeur. Aussi la volonté du salarié a-t-elle longtemps paru comme une donnée négligeable, tout juste suffisante à justifier l’acceptation par le salarié d’une subordination qui le prive, justement, de l’exercice d’une part de sa volonté – c’est l’aporie de la subordination volontaire. Pourtant, de manière contemporaine, on voit réapparaitre une référence accrue à la volonté du salarié dans les dispositifs juridiques[1] : rupture conventionnelle, prise d’acte de la rupture, volontariat dans le cadre des plans de réduction des effectifs. Le législateur contemporain parait sensible à l’usage de la volonté du salarié pour justifier ce qui relevait, auparavant, de l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur. D’un point de vue plus individuel, on voit fleurir, dans les pratiques contractuelles, des clauses dont l’objet est de permettre la variation d’éléments relavant en principe du contenu contractuel : clause de mobilité du lieu de travail, clause de variation de la rémunération. Le temps parait à garantir à l’employeur une forme de flexibilité qui n’est pas sans incidence sur le statut du salarié. Comment comprendre et interpréter ces évolutions ?
Comprendre, d’abord, impose de décomposer la portée et la signification de l’usage de la volonté en droit du travail[2]. Si la volonté peut s’envisager comme un élément de la norme ou encore comme un objet de la norme, elle prend en droit du travail une tournure particulière : d’un côté, la volonté est conçue comme source d’engagement, elle noue, elle oblige, deux personnes, en l’occurrence le salarié et l’employeur. Mais d’un autre côté, saisie en tant que liberté et pouvoir d’autodétermination, la volonté constitue un pouvoir de réaction face aux actes juridiques qui affectent les droits et libertés. Traditionnellement, si en droit du travail la volonté d’engagement du salarié était suspecte, en revanche, la volonté de réaction lui permettait de défendre ses droits, et de réactualiser son consentement. Tout au contraire, de manière contemporaine, on peut identifier un renversement de l’équilibre en faveur de la volonté d’engagement au détriment de la faculté de résistance : la volonté fonde de nouveaux engagements mais semble céder face à l’accord collectif ou à l’unilatéralisme de l’employeur, le salarié étant réduit à se soumettre ou se démettre face à l’évolution de ses conditions d’emploi. Quels contrefeux apporter à ce nouvel équilibre ? Certainement, la mobilisation des droits et libertés du salarié, sous l’œil des juges et à l’aune de la proportionnalité.
Interpréter, ensuite, en revenant sur ce qui constitue l’un des lieux communs de l’appréhension des relations juridiques de travail : le salarié, subordonné, est en contrepartie dans une situation de relative protection contre les risques économiques et sociaux liés à l’exécution de la relation de travail[3]. A l’heure actuelle, sur le fondement d’une sécurisation « axiologique » du rapport de travail, c’est en réalité une mécanique de transfert des risques à laquelle on assiste. Transfert du risque de la rupture, lorsque le salarié prend l’initiative de s’« autolicencier » ; transfert du risque de l’emploi, lorsque le salarié est réduit au silence à l’occasion des modifications de ses conditions d’emploi ; transfert du risque économique, lorsque les clauses de son contrat de travail lient son salaire à ses résultats ou à ceux de l’entreprise[4]. Aussi la sécurisation des relations de travail – justification explicite de nombreux dispositifs contemporains – se traduit, concrètement, par une sécurisation de l’employeur et, en contrepoint, par une dé-sécurisation corrélative du salarié.
Vérité et bilatéralisation des droits – La vérité, ensuite, n’est pas aisée à saisir. Si dans le langage commun, elle renvoie à une propriété constituant l’essence de ce qui est vrai, elle parait en droit fluctuer entre deux significations (à grands traits) finalement commune au champ des sciences sociales : celle de la vérité-correspondance, qui fait qu’est vrai ce qui est conforme à une forme de réalité (vérité matérielle), et celle de la vérité-cohérence, qui fait qu’est vraie la proposition qui accordent les esprits entre eux (vérité conceptuelle). Longtemps, sans doute, le droit a témoigné d’une sensibilité à la vérité-cohérence, en posant, notamment dans le cadre du procès, les conditions de détermination de la vérité – judiciaire par conséquent. Si le rapport à la réalité n’était pas étranger à la détermination de la valeur vraie d’une proposition, elle ne semblait pas déterminante dans la considération de ce qui est vrai du point de vue du droit.
C’est dans ce contexte qu’est apparue une discussion particulièrement riche et nourrie sur l’émergence d’une notion disruptive : le droit à la preuve dans le cadre du procès civil[5]. Sans revenir sur des éléments parfaitement connus, qui font que le droit à la preuve autorise à la fois la production d’éléments que l’on détient mais qui s’oppose à un droit protégé (vie privée, secret des affaires …) et la demande de production d’éléments que l’on ne détient pas, le trait commun du droit à la preuve tient, non pas dans la faculté à prouver quelque chose (qui est une obligation procédurale), mais dans l’aptitude à lever les obstacles qui s’opposent à la preuve. Rapportée à la relation de travail, la question intéresse la possibilité offerte aux parties de produire ou de demander la production d’éléments qui, la plupart du temps, se heurtent à la vie privée des autres salariés. Et, depuis une série d’arrêts que l’on ne présente plus du 22 décembre 2023, la Cour de cassation a reconnu l’admissibilité des modes de preuve illicites ou déloyaux, dès lors qu’ils étaient nécessaires à l’exercice du droit à la preuve. Sur quel fondement ? Précisément sur l’exigence d’une quête de vérité fort discutable[6]. En réalité, alors même que le respect de la loyauté probatoire apparaissait comme une condition de l’énonciation de la vérité judiciaire (vérité-cohérence), c’est désormais l’aptitude du moyen de preuve à prouver le ‘vrai’ (vérité-correspondance) qui semble déterminer l’évaluation de l’admissibilité des preuves – avec pour justification l’égalité des armes et l’accès au juge.
Avec quels effets ? Traditionnellement, le salarié est considéré, même au stade du procès, dans un condition probatoire défavorable. Cela tient au fait que, soumis à un pouvoir de direction durant l’exécution du contrat de travail qui limite son accès à la preuve, il se trouve, également à l’occasion du procès, dans une situation d’inégalité des armes. Raison pour laquelle la charge de la preuve est assez largement aménagée en faveur du salarié dans le cadre du procès. Or, fort de ce constat, il aurait paru justifié de limiter l’usage du droit à la preuve au seul salarié, de telle sorte à garnir les moyens procéduraux nécessaires à l’exercice de ses droits. Toutefois, sur le fondement d’une certaine représentation à la fois de la vérité judiciaire et de l’égalité des armes, c’est l’employeur qui bénéficie également de ce droit à la preuve, comme s’il était placé dans une situation équivalente à celle du salarié à l’occasion du procès. Ainsi assiste-t-on à une forme de bilatéralisation des droits[7], qui n’est pas sans rapport avec la promotion de la sécurisation juridique des rapports de travail. Finalement, en accordant à l’employeur un droit à la preuve à l’égal du salarié, on double l’exercice du pouvoir de direction d’une prérogative supplémentaire qui se déploie de la collecte des preuves durant le rapport de travail (ex : mise en place d’une caméra de surveillance sans en informer les salariés) jusqu’aux prétoires. C’est aujourd’hui au stade de la mise en œuvre du contrôle de proportionnalité inhérent à l’exercice du droit à la preuve qu’il faudrait voir réapparaitre la considération pour l’inégale aptitude probatoire des parties au procès prud’homal.
Interprétation et lutte contre la fictivité – L’interprétation, enfin, est au cœur de l’activité quotidienne des juristes. Processus ou résultat de la détermination du sens des règles, elle témoigne tour à tour de la faculté d’entendement humain dans l’appréhension du monde, de la compréhension d’un énoncé linguistique ou d’un acte de langage, ou encore de l’aptitude à produire une signification en cas de doute sur le sens d’une règle. Conçue soit comme un acte de connaissance ou comme un acte de pouvoir, elle prend généralement pour objet une règle juridique (précisément un texte) ou encore les conditions d’énonciation de la signification de cette règle. Néanmoins, en droit, l’interprétation peut également prendre pour objet les faits, dans la double considération, pour l’établissement de la matérialité des faits retenus à l’application de la règle, et pour la qualification juridique des faits constatés, c’est-à-dire le rattachement des faits établis à une catégorie juridique constituée. Ce dernier champ interprétatif fait l’objet, depuis quelques années, d’une actualité renouvelée, et discutée, dans le champ du droit du travail.
C’est particulièrement la question de la qualification juridique des rapports de travail salarié, et des éléments relevant de la catégorie juridique de ‘contrat de travail’, qui retient l’attention[8]. Classiquement, la caractérisation d’une relation de travail salariée impose la réunir de trois éléments : un travail, une rémunération, un lien de subordination. L’entendement des opérations judiciaires de qualification impose au préalable de distinguer le lien juridique de subordination, comme effet de droit attaché à l’existence d’un contrat de travail, et l’état de subordination, constitué d’un ensemble de données factuelles soumises à l’appréciation des juges pour déterminer la qualification d’une situation contractuelle contestée. A ce titre, l’opération de qualification est déterminée par deux principes, communs en réalité à nombre d’opérations de qualification : l’indisponibilité de la qualification, qui fait que la volonté est impuissante à soustraire les parties au statut juridico-social qui procède de l’exécution du contrat ; le principe de réalisme, qui invite les juges à se référer, à l’occasion de la qualification, aux circonstances de fait et à l’exécution du contrat plutôt qu’aux dires et écrits des parties. Dit autrement, la qualification de contrat de travail est une opération ‘réaliste’ dans le sens où primauté est donnée aux faits plutôt qu’aux données formelles.
Pourtant, de manière contemporaine, le législateur tente d’encadrer le processus d’interprétation judiciaire des faits par la mise en place de présomption dont l’objet est de substituer une qualification formelle à l’analyse pragmatique réalisée par les juges. C’est ainsi que le code du travail connait désormais une présomption d’indépendance résultant de l’inscription sur un registre (registre du commerce et des sociétés, registre des métiers), étant précisé que la présomption est simple et qu’elle peut être renversée par la preuve de l’existence d’un lien de subordination. De manière plus aiguë encore, à propos des travailleurs dits de plateformes, le législateur a tenté d’imposer une présomption irréfragable d’indépendance et de cantonner les livreurs à vélo et aux autres chauffeurs de VTC, dans le champ du travail indépendant, donc exclus des garanties offertes par le droit du travail[9].
Face à cela, ce sont les juges, notamment de la Cour de cassation, et le Conseil constitutionnel, qui ont rappelé l’évidence du pouvoir judiciaire dans l’interprétations des faits justifiant la qualification de contrat de travail. Le Conseil, d’abord, a érigé la faculté des juges de requalifier une situation factuelle témoignant d’un état de subordination au rang de principe fondamental du droit du travail[10], tandis que la Cour de cassation, sur le fondement de la lutte contre la fictivité, a jugé, suivant la conception la plus traditionnelle du lien de subordination, que les travailleurs de plateformes, même cerclés de référence à l’indépendance et à l’absence de subordination, étaient en réalité soumis à un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction[11]. L’entrechoc, dans l’opération de qualification, se réalise entre la qualification formelle voulue par le législateur et la lutte contre la fictivité promue par le juge[12].
Pour terminer, je souhaiterais faire état d’un projet qui me tient particulièrement à cœur et dont j’ai récemment pris l’initiative : celui de créer un « Pôle Travail » au niveau de l’établissement Paris Nanterre. La dynamique de Pôles de spécialité s’inscrit dans une démarche de promotion de la visibilité et de l’attractivité de l’établissement. Elle tend à tisser des liens dans le paysage académique local, national et international par l’identification d’une spécialité scientifique. L’idée est de construire des modes de valorisation des recherches, d’échafauder des projets communs, et de réfléchir à des manières d’accentuer l’expertise scientifique sur une question particulière, comme celle du travail. Ce Pôle devrait officiellement être lancé d’ici les semaines à venir.
Thomas Pasquier, Professeur de droit privé, IRERP
[1] Sur cette question, cf. le bel ouvrage dirigé par ma collègue Tatiana Sachs, La volonté du salarié, Dalloz Coll. Thèmes et commentaires, Paris, 2012, p. 272 pages.
[2] Th. Pasquier, « Variation de la rémunération et volonté du salarié - Réflexions sur la part du consentement du salarié dans les relations contractuelles de travail », Mélanges en l’honneur de Marc Véricel, Mare et Marin, 2023, p. 335.
[3] Th. Pasquier, L'économie du contrat de travail. Conception et destin d'un type contractuel, LGDJ, Coll. Bibliothèque de droit social, Tome 53, 2010, Paris, 438 pages.
[4] Th. Pasquier, « Salaire et partage des risques », Dr. Social 2025, n° 2, p. 129.
[5] Sur cette question, cf. les riches développements de mon collègue Olivier Leclerc, in Droit de la preuve, (E. Vergès, G. Vial, O. Leclerc), PUF, Coll. Thémis, 2ème éd. 2022, p. 291 et s. ; spécifiquement en matière sociale, « La preuve dans le contentieux du travail », Dalloz, Répertoire de droit du travail, janvier 2022, n° 106 et s.
[6] Th. Pasquier, « Déloyauté probatoire et pouvoir de l’employeur : une liaison dangereuse », Recueil Dalloz 2024, n° 6 p. 296.
[7] Th. Pasquier, « Fondamentaliser le droit du travail ? Usage et mésusage de la référence aux droits fondamentaux dans le contentieux du licenciement », in L’avocat face à l’évolution du droit social, Dalloz, 2022, p. 60.
[8] Th. Pasquier, « Sens et limites de la qualification de contrat de travail – De l’arrêt Formacad aux travailleurs uberisés », RDT2017, n° 2, p. 95.
[9] Th. Pasquier, « Travailleurs de plateforme et charte « sociale » : un régime en clair-obscur », AJ Contrat 2020, n° 2, p. 60.
[10] Ibid.
[11] Th. Pasquier, « L'arrêt Uber - Une décision a-disruptive », AJ Contrat 2020, n° 5, p. 227.
[12] Th. Pasquier, « Le rapport Frouin : la sécurisation au prix de la fictivité », RDT 2021, p. 12Présentation des recherches menées par Lilian Larribère, Professeur de droit privé au CEDIN
- Présentation des recherches menées par Ninon Maillard, Maitre de conférences en Histoire du Droit au CHAD
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Je suis arrivée à Paris-Nanterre en 2019 après dix années d’enseignement et de recherches à l’Université de Nantes. Cette mutation, assez rare dans le corps des maîtres de conférences en section 03, m’a permis de rejoindre le Centre d’Histoire et d’Anthropologie du Droit et une équipe de recherches en histoire du droit complètement autonome. L’histoire du droit est une discipline « rare » et les laboratoires de recherches centrés sur l’histoire du droit ne sont plus si nombreux : le CHAD de la faculté de droit de Nanterre est, à ce titre, une exception à cultiver et à entretenir. Dans un environnement fragilisé à l’échelle nationale, ce laboratoire d’historiens des facultés de droit est bien identifié et reconnu. On y trouve des chercheurs qui travaillent sur des sources très diverses, des époques très différentes, des contextes très variés mais qui se retrouvent autour d’axes forts comme le droit des minorités, les dispositifs de justice, depuis les MARC jusqu’aux tribunaux internationaux, ou encore les cultures juridiques européennes, dans une approche fondamentalement ouverte aux autres sciences humaines et plus particulièrement à l’anthropologie. Ce fut l’occasion pour moi de déployer pleinement mes recherches autour des sujets qui m’occupent depuis quelques années et qui expliquent aussi mon recrutement à Nanterre : l’animal, les représentations du droit et des dispositifs de justice et plus particulièrement depuis 2019 les archives filmées du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
I. L’histoire du droit animalier
Mon intérêt pour le droit concernant les animaux et les relations entre les hommes et les animaux est né d’un concours de circonstances. En 2009, les juristes Jean-Pierre Marguénaud et Jacques Leroy ainsi que la philosophe Florence Burgat, créaient la Revue Semestrielle de Droit Animalier avec, en son sein, un dossier pluridisciplinaire ; une rubrique « droits religieux » attendait (voire appelait !) son contributeur régulier. Je venais de soutenir une thèse en histoire du droit canonique (Réforme religieuse et droit. La traduction juridique et structurelle du retour à l’observance : le cas des Dominicains de France 1629-1660, Le Cerf, Histoire religieuse de la France, 42, 2015) et mon collègue historien du droit Xavier Perrot m’avait donc contactée pour assumer cette charge. J’ai accepté, sans bien savoir alors dans quoi je me lançais. Quelle aventure… scientifique, académique et humaine !
J’ai écrit pour la revue très régulièrement au gré des thèmes choisis par l’équipe de rédaction (la corrida, l’abeille, les nuisibles, les poissons, l’animal face aux biotechnologies, la chasse…) et je me suis passionnée, de numéro en numéro, pour l’histoire du droit animalier. J’ai rapidement accepté d’assumer une part du travail éditorial, d’abord - et pendant de nombreuses années - en collaboration avec Florence Burgat, puis avec Sonia Desmoulin-Canselier et depuis peu avec Xavier Perrot et Romy Sutra. Je trouve encore parfois le temps de rédiger l’introduction pour le numéro thématique. Avec le Pr. Xavier Perrot, nous avons publié, en 2022, une anthologie juridique animalière en revenant sur dix ans de publications dans la Revue Semestrielle de Droit Animalier (Ad Bestias… Regards sur le droit animalier, NetaVania, Pulim). La revue est depuis peu accessible en ligne (revue-rsda.fr) et c’est une aventure qui continue, envers et contre tout... car le passage au numérique n’est pas une mince affaire à mener et le travail éditorial d’une revue produisant deux numéros par an est chronophage et, il faut le dire, un peu usant sur le long terme. Je fais partie, depuis peu, de la direction collégiale qui entend faire perdurer ce que Jean-Pierre Marguénaud, Jacques Leroy et Florence Burgat ont fondé en 2009 et ce pourquoi nous avons travaillé depuis maintenant 15 ans.
Il arrive que je sois sollicitée par ailleurs pour écrire en droit animalier… une notice (« Les grandes dates du droit animalier », dans Pierre Serna, Véronique Le Ru, Malik Mellah, Benedetta Piazzesi (dir.), Dictionnaire historique et critique des animaux, Champ Vallon, 2024) ou un article (« Assurer la (dé)mesure de l’emprise des hommes sur les bêtes : la contribution du droit », à paraître dans la revue Diogène, 2025 ; « L’animal-machine n’existe pas », dans Claire Bouglé-Le Roux et Nadège Reboul-Maupin (dir.), Animal&Droit. Bestiaire, Patrimoine Juridique, Défis contemporains, LexisNexis, 2025) ou que des collègues d’autres disciplines fassent appel à moi, à la recherche d’un éclairage en histoire du droit animalier sur la thématique qui les intéresse (« Les animaux soignés par les hommes… une approche juridique », dans Evelyne Samama et Franck Collard (dir.), Ani-maux. Souffrances animales, remèdes humains, Antiquité, Moyen Âge, Epoque moderne, L’Harmattan, 2024, p. 253-266).
C’est une chance d’avoir été le témoin privilégié de la naissance et du développement du droit animalier et d’avoir travaillé aux côtés de tous ces collègues juristes qui se sont lancés dans l’écriture de chroniques jurisprudentielles et d’articles de doctrine concernant les animaux à une époque où certains universitaires considéraient le sujet animalier comme une plaisanterie ou une récréation, mais certainement pas comme un objet exclusif de recherches ou un champ disciplinaire à part entière. Aujourd’hui, il devient banal de travailler sur les animaux et le droit animalier n’est plus un objet juridique non identifié ! Le contexte était bien différent en 2009. J’ai pu contribuer à ce mouvement en joignant ma discipline, l’histoire du droit, à cet élan contemporain. Dans un champ juridique en construction, la collaboration entre universitaires, acteurs professionnels et/ou militants a été très fructueuse et l’éclairage des historiens des facultés de droit toujours sollicité afin de questionner les trajectoires contemporaines, d’éclairer les problématiques sur le long terme et de mettre en lumière les solutions juridiques, les écrits de science juridique, les textes normatifs anciens dormant dans nos archives.
Pour ma part, je m’intéresse à la manière dont le droit traduit la relation aux bêtes… Je renoue donc avec le fil rouge de ma thèse en scrutant la manière dont le droit rend compte d’un projet ou d’une réalité (ici, l’assujettissement des animaux et leur mise à disposition en fonction des usages humains), la manière dont le droit peut être utilisé pour structurer des rapports (ici, des rapports de contrôle et de domination et à l’inverse de dépendance et de soumission) et en étudiant la fabrique du vocabulaire, des concepts et des mécanismes propres au droit animalier. Je nourris cette analyse des sources juridiques de toutes les sources auxquelles le droit animalier a puisé : le droit originel de tuer les animaux, dans la conception chrétienne de la Création, combiné avec les interprétations les plus extrêmes du cartésianisme à partir du fameux concept d’animal-machine et avec le développement de la zootechnie au service de l’industrialisation de l’élevage expliquent, entre autres et par exemple, la banalité de la mise à mort des animaux et le légitime usage du corps des animaux vivants ou morts par les hommes. Je travaille sur la place et le discours produit par le droit et les juristes à ces différentes époques et dans ces différents contextes. J’y cherche les fondements des tiraillements contemporains du droit (norme, jurisprudence et science juridique ) qui tend d’un côté à préserver la vie des bêtes mais qui aménage par ailleurs de vastes espaces d’exception comme les laboratoires d’expérimentation animale ou encore la filière agro-alimentaire. J’y étudie aussi la construction des catégories : le sauvage et le domestique, le gibier, les nuisibles et leur évolution… J’y étudie les actes et les gestes humains vis-à-vis des animaux et la manière dont le droit et les juristes en traitent : l’acte du chasseur/l’acte du braconnier, la corrida, l’élevage, l’expérimentation animale, la constitution des parcs animaliers et, au gré des animaux choisis pour la RSDA, je cible certains animaux : les poissons, les rats, les abeilles, les oiseaux. L’histoire du droit animalier est un champ passionnant et inépuisable de recherches… les prochains dossiers thématiques de la revue porteront sur le cochon (été 2025) et sur l’assignation à résidence du sauvage (ruches, étangs, garennes…) (hiver 2025).
II. Les représentations du droit et des dispositifs de justice, les archives filmées comme données en histoire du droit
Là encore, ce n’est pas ma thèse en droit canonique qui m’a naturellement conduit aux archives filmées du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie. Tout commence par l’élan d’une collègue, historienne du droit de Paris-Saclay : Nathalie Goedert. Son idée était de créer un événement susceptible d’ouvrir la faculté de droit à la ville : le cinéma lui a semblé être un terrain mutuel d’intérêt et elle a fondé « Ciné-droit ». J’ai rapidement rejoint l’équipe organisatrice. Chaque année, nous choisissions un thème pour un colloque et des projections. Progressivement, nous avons réalisé que le rapprochement pouvait aller un peu plus loin et que le recours à l’image-illustration était assez réducteur... IMAJ était né, ou l’idée d’une Analyse Juridique de l’IMage que nous avons, depuis, déployée sur le blog qui porte ce nom. J’ai pris, à partir de là, l’image au sérieux et j’en ai fait un objet d’études juridiques à part entière. En 2016, je visionne l’essai filmique de Sarah Vanagt qui exploite les archives filmées du procès Karadzic : Dust Breeding (« Voir, croire, savoir… L’image-preuve dans le procès de Radovan Karadžić (Dust breeding, Sarah Vanagt, 2013) » sur IMAJ). Je découvre alors, via cette remédiation artistique, les archives filmées du TPIY. En 2019, je rejoins l’équipe de l’historien réalisateur Christian Delage qui rassemble des chercheurs intéressés par les procès filmés pour travailler dans le cadre du Labex Les passés dans le présent autour d’un programme qu’il mène en collaboration avec les Archives Nationales : « les procès filmés, une mémoire vive : de Nuremberg à V.13 ». Plusieurs pistes se dessinent et je saisis l’opportunité d’exploiter les archives filmées de la justice internationale. L’idée trouve sa place dans le projet et se concrétise par des webinaires, un colloque international sur les remédiations artistiques des archives du TPIY, l’écriture d’un carnet de recherches en ligne : la fabrique du procès historique… Sur le fond, j’étudie la manière dont l’archive audiovisuelle, principalement les captations d’audiences, permettent l’écriture d’une histoire inédite de l’événement de justice en parallèle de l’exploitation des archives textuelles, ou encore comment l’image (produite cette fois-ci au procès) s’intègre dans des formes documentaires très riches, l’image-preuve constituant un matériau fondamental et incontournable des archives du TPIY. La fabrique de l’image-preuve par le TPIY constitue d’ailleurs l’un des axes principaux du mémoire que j’écris actuellement dans le cadre de l’Habilitation à Diriger des Recherches que j’entends soutenir prochainement à partir de ces recherches.
Là encore, mes recherches peuvent s’articuler avec les préoccupations contemporaines des juristes en droit international ou des historiens qui travaillent sur l’histoire du temps présent. Je reste attachée à ma vision disciplinaire dans le sens où il ne s’agit pas de se focaliser sur l’événement d’histoire mais sur ce qui en transparaît dans les archives issues du processus judiciaire. Ainsi, je travaille moins sur la guerre en ex-Yougoslavie et les crimes de guerre commis en Bosnie-Herzégovine comme pourraient le faire un historien des facultés des lettres que sur l’image du crime soumise au contradictoire dans le cadre des procès jugés devant le TPIY, ou encore sur le témoin expert et l’association de la parole et de l’image pour constituer un ensemble probatoire performant. De même, je ne cherche pas étudier la procédure du TPIY ou les statuts du tribunal pour eux-mêmes mais j’exploite les archives de cette institution judiciaire pour comprendre et exposer la construction du récit qu’elle a produit et valoriser les traces matérielles auxquelles elle donne accès. Je porte la phase actuelle du projet PROFIL, soutenue par mon laboratoire mais aussi par la MSH-Mondes, l’INIST-CNRS et le projet vient d’obtenir un financement de Recherche Paris Lumières Alliance, ce qui a déjà permis d’organiser des rencontres et des échanges pluridisciplinaires concernant l’image-preuve et aboutira d’une part à la création d’un portail et d’un site de diffusion de connaissance qui prendra la forme d’une base de données et d’autre part à une installation multimédia hors-les-murs. Je me consacre actuellement pleinement à cette réalisation avec une équipe alliant des juristes, des historiens, des historiens du droit, des anthropologues spécialistes des images… Ce sont, certes, des budgets et des équipes modestes mais cela me permet de pouvoir continuer à écrire et à m’impliquer sur le fond, sans me transformer en gestionnaire passant sa vie à remplir des fichiers Excel et des formulaires PDF. C’est un équilibre pas toujours facile à maintenir !
Ninon Maillard, maitre de conférences en Histoire du droit (CHAD) - Saisissez le titre ici
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Mis à jour le 15 mai 2025